C’est bien ma faute et je verse des larmes et je geins Je me suis retrouvé dans une ornière profonde creusée par autrui Je me fixais moi-même les buts à choisir Et maintenant, voilà, pas moyen de me tirer de l’ornière Elle a des bords abrupts, glissants Cette ornière Je maudis ceux qui l’ont creusée Bientôt ma patience sera à bout; Et je décline comme un cancre De l’ornière, dans l’ornière, avec l’ornière. Mais pourquoi est-ce que je me sens mal, j’ai du culot! Après tout, les conditions sont normales dans cette ornière. Personne pour te rentrer dedans, pour t’accrocher de quoi tu te plains? Si tu veux aller de l’avant, à ton aise! Nourriture et boisson sont à discrétion Dans cette bonne petite ornière. Et je me suis bien vite convaincu Que je n’y étais pas seul. Il n’y a qu’à rester comme ça, roue contre roue, Et j’arriverai là où tout le monde va. Quelqu’un a crié, hors de lui - Eh, laisse-moi sortir! Et il s’est mis à discuter avec l’ornière par bêtise. Et dans la discussion il a brûlé toutes ses réserves de chaleur humaine Et ses soupapes ont lâché, et ses coussinets aussi. Mais il a abîmé les bords de l’ornière Et l’ornière s’est élargie. Tout à coup, ses traces disparaissent. L’andouille, on l’a traîné dans le fossé Pour qu’il ne puisse pas nous empêcher, nous qui sommes derrière De passer dans cette ornière creusée par autrui. Moi aussi, j’ai des malheurs, mon démarreur coince C’est plus une vie ça secoue dans tous les sens! Il faudrait que je descende, que je pousse mais je n’en ai pas le courage, Peut-être que quelqu’un passera et m’en sortira. J’attends en vain de l’aide Cette ornière, c’est un autre qui l’a creusée. Si je pouvais régler mes comptes en boue et rouille Avec cette ornière creusée par autrui. . . . . . . Une sueur froide me pénètre jusqu’aux os Et j’avance un tout petit peu sur une planche. Et je vois que les ruisseaux printaniers ont aplani le bord Je peux sortir de l’ornière je suis sauvé! Mes pneus crachent de la boue Dans cette ornière creusée par autrui. Eh, vous, derrière! Faites comme moi! C’est-à-dire, ne me suivez pas, Cette ornière-ci, elle est à moi tout seul, Pour vous en sortir, creusez-vous la vôtre.
© Michèle Kahn. Traduction, 1977