Depuis la frontière nous avons fait tourner la Terre à l’envers
Ça c’était au début
Mais notre commandant l’a remise dans le bon sens
En s’appuyant du pied sur l’Oural.
Enfin on nous a donné l’ordre d’attaquer
De reprendre tous ces pouces et ces miettes de terre.
Mais nous n’avons pas oublié que le Soleil avait fait marche arrière
Et avait bien failli se coucher à l’Est.
Nous n’arpentons pas la Terre
En écrasant les fleurs pour rien
Nous la repoussons de nos bottes
Loin de nous, loin de nous.
Et le vent d’Est a courbé les meules
Les troupeaux se serrent contre les rochers
Nous avons déplacé l’axe terrestre sans levier
En modifiant la direction du coup.
N’ayez pas peur quand le couchant n’est pas à sa place
Le jugement dernier, c’est un conte pour les aînés
Mais voilà, on fait tourner la Terre comme ça vous chante
Des troupes fraîches sont en route pour nous remplacer.
Nous rampons, nous étreignons les monticules
Nous pressons haineusement les mottes
Et avec nos genoux, nous repoussons la Terre
Loin de nous, loin de nous.
Un homme s’est dressé de toute sa taille, il a fait un grand salut
Et a reçu une balle de plein fouet
Mais le bataillon rampe vers l’Ouest, vers l’Ouest
Pour que le Soleil se lève à l’Est.
Le ventre dans la boue, nous respirons la puanteur des marais
Mais nous fermons les yeux sur l’odeur
Maintenant, le soleil parcourt normalement le ciel
Parce que nous fonçons vers l’Ouest.
Que nos bras et nos jambes soient ou non à leur place
Buvant à petits coups la rosée comme un vin de noce
Nous tirons la Terre avec nos dents par les tiges des fleurs
Vers nous» loin de nous.
|