En un prospère et très calme royaume, Où n’advenaient ni guerres ni fléaux, Surgit un jour un sanglier énorme, A moitié buffle et à moitié taureau. Le roi souffrait du ventre, et l’asthme traître Par la toux seule effrayait chaque fois... Pendant ce temps l’épouvantable bête Dévorait ou emportait dans les bois. Alors le roi promulgua ce décret: «Il faut enfin que le carnage cesse! A qui tuera le monstre je promets De donner en mariage la princesse». Or, en ce royaume pris de panique, Vivait - un peu de biais quand on y passe - Dans une insouciance mélancolique L’ex-meilleur archer, tombé en disgrâce. Partout au sol, rien que des peaux, des hommes, On chante, on boit l’hydromel sans arrêt... Mais le clairon des troubadours résonne: Voici traîné notre archer au palais. Et le roi lui tousse: «Je ne veux pas Que la morale à tout ceci se mêle; Mais si ce monstre, demain tu l’abats, Tu peux mener la princesse à l’autel». L’archer répond: «Drôle de récompense! Donne plutôt une pleine barrique !» Soi-disant, la princesse il s’en dispense Pour tuer demain ce monstre fantastique... Mais le roi: «Prends la princesse, et basta! Ou sinon je te jette aux oubliettes. Sacré nom! c’est une fille de roi!» L’archer: «Non! même si j’y perds ma tête!» Et dévorant les poules et les femmes Tandis qu’eux deux se querellent tout haut, S’approche du palais la bête infâme, Le sanglier mi-buffle, mi-taureau. Va donc pour la barrique! Rien à faire! Ce monstre, d’une flèche il le terrasse... Ainsi princesse et roi furent couverts De honte par leur archer en disgrâce.
© Henri Abril. Traduction, ?