J’vais exploser, comme trois cent tonnes de dynamite,
D’un colère stérile je suis chargé:
Une Muse m’a aujourd’hui rendu visite
Elle m’a rendu visite, elle est restée un peu, puis elle a pris congé
Elle a pour ça des raisons, et des bonnes
Je ne peux que ravaler mes sanglots
Imaginez: une Muse visite la nuit un homme
Dieu sait c’que les gens pondront comme ragots!
Mais je me sens dépité, solitaire
Car cette Muse - et des gens peuvent le confirmer -
Passait des jours entiers chez Baudelaire
Et s’enfermait tout l’temps chez Mallarmé
Je cours vers le bureau à grandes foulées
Mais - Seigneur, sauve-moi et sois clément! -
Elle est partie, l’inspiration s’est envolée
Et cinquante balles: pour le taxi, probablement.
Je tourne dans la pièce comme un ours en cage
Mais qu’elle coure la Muse, j’peux pas lui en vouloir
Elle est partie vers d’autres pâturages
Chez quelqu’un qui sait bien mieux recevoir
L’énorme gâteau tout cerné de chandelles
Est rassis de chagrin, comme mes yeux hagards
Le cognac que j’gardais exprès pour elle,
J’l’ai bu avec mes voisins, ces connards
Les années passent, périssent les listes noires
Je baille d’ennui et j’ai oublié cette affaire
L’est partie à l’anglaise, sans dire au r’voir
Mais elle m’a quand même laissé deux vers
Voici deux vers (c’est génial, ça crève la vue
À moi bouquets, lauriers, célébrité,
Voici deux vers): «Quand le soir, tu m’es en riant apparue
J’ai vu la fée au chapeau de clarté»
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