Mes goûts et mes désirs sont bien curieux,
C’est peu de dire que je ne suis pas ordinaire:
Je peux ronger un verre comme je peux
Vous déchiffrer Schiller sans dictionnaire.
J’héberge deux moi, deux pôles opposés
Deux êtres différents, deux ennemis,
Et quand l’un d’eux veut aller au musée,
L’autre se rue vers les courses, les paris.
Je ne saurais même pas penser à mal
Quand ma première personne parle tout haut
Mais trop souvent se lâche l’animal,
Mon deuxième Moi à visage de salaud.
Mais moi je lutte, réprimant le gredin -
Ma destinée, décidément, est pleine d’émois! -
Je crains l’erreur, car il se pourrait bien
Que je réprime le mauvais deuxième Moi.
Quand je révèle les arêtes de mon âme
À ces endroits où je suis toute vérité
Je reçois pour un rien les câlins des dames
Et les serveuses insistent pour m’inviter
Mais tous les idéaux volent en poussière
Quand je deviens méchant et pas aimable:
Comme un idiot, je ronge encore les verres
Et je balance Schiller sous la table.
...La salle dans mon dos, l’audience se termine...
Vous procureur, vous juge et citoyens,
Croyez-moi: je n’ai pas cassé la vitrine
C’était mon deuxième Moi, ce sale vaurien
Je vous en prie, ne soyez pas sévères
Laissez-moi juste rentrer à la maison
J’promets d’assister aux débats judiciaires
Le nouvel an, je visiterai les prisons.
Je ne casserai plus jamais de vitrines,
Ni de visages, veuillez bien le noter!
Et je rassemblerai mon âme en ruine,
Malade, brisée par la dualité!
Je déracine, j’enterre le danger
Sans plus rien vous cacher, je purifie!
Ce deuxième truc m’est vraiment étranger
Mon deuxième Moi, ce n’est sûrement pas lui!
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