A la frontière de la Turquie ou du Pakistan, Il y a un no man’s land. A droite, du côté des fourrés, Nos gardes-frontières et notre capitaine ont dressé le camp. A gauche se trouvent les postes étrangers. Et dans le no man’s land il y a des fleurs D’une incroyable splendeur. La fiancée du capitaine a décidé de vivre avec son bien-aimé. Elle s’est ramenée en disant: - Chéri! Et patati et patata... Il faudrait au moins offrir un bouquet de fleurs à sa fiancée - Qu’est-ce qu’une noce sans fleurs? Une beuverie, et ça s’arrête là! Et dans le no man’s land il y a des fleurs D’une incroyable splendeur. Comme d’un commun accord, l’amie du chef étranger elle aussi S’est ramenée: une idée qui lui était passée par la tête! Et de dire, mais en turc: - Chéri! Il va y avoir une noce, une noce! Et ce sera jour de fête! Et dans le no man’s land il y a des fleurs D’une incroyable splendeur. Nos gardes-frontières sont des gars sympathiques: Trois se sont portés volontaires, et le capitaine avec eux est parti... Mais pouvaient-ils savoir que les Asiatiques Avaient décidé de cueillir des fleurs la même nuit? Et dans le no man’s land il y a des fleurs D’une incroyable splendeur. Le capitaine est ivre mort, grisé par l’odeur des fleurs, Le capitaine étranger, lui aussi, est soûl comme un cochon. En poussant un juron turc, il s’est écroulé dans les fleurs, Et le capitaine, criant «merde!» en russe, est tombé de tout son long. Et dans le no man’s land il y a des fleurs D’une incroyable splendeur. Le capitaine dort et il rêve tranquillement Qu’on a ouvert la frontière comme les portes du Kremlin... De leur territoire à eux, il se fiche éperdument, Il a voulu faire un tour sur la terre qui à personne n’appartient. Et pourquoi pas? Puisqu’elle n’est à personne, cette terre! Puisqu’elle est zone neutre!.. Et dans le no man’s land il y a des fleurs D’une incroyable splendeur...
© Hélène Ravaisse. Traduction, 1980