Le pays des merveilles n’est plus.
Les chênes ont bel et bien disparu.
Pour le parquet le chêne est connu -
Mais c’est tout à fait exclu:
De l’isba se sont tirés
Des gaillards râblés.
Les chênes, ils les ont coupés,
Des cercueils en ont fabriqué!
C’est merveilleux d’habiter
Des maisons sur pattes de poule montées.
Mais, à la terreur générale, est arrivé
L’écervelé!
C’était un bon gars.
La sorcière il enivra,
Un exploit réalisa:
La chaumière brûla!
Calme-toi, calme-toi, mélancolie
Qui me serre le cœur!
C’est le prologue que voici.
Le conte viendra tout à l’heure!
Les trente-trois preux, rongeant leur frein,
Décrétèrent qu’en vain
Ils protégeaient leur souverain
Et les espaces marins.
Des lots ils se sont arrogés,
Des poules ont élevé et n’ont plus décanillé.
Leur apanage ils ont gardé,
Des affaires retirés!
Une fois le chêne vert écorcé,
Leur domestique en rondins l’a débité.
Déjà balourd avec ses familiers,
Il devint grossier.
Et jurait sans jamais se taire
L’ancien domestique de la mer,
Bien qu’il eût un lopin de terre
Aux environs de Tver.
Calme-toi, calme-toi, mélancolie
Qui me serre le cœur!
C’est le prologue que voici.
Le conte viendra tout à l’heure!
Ici, on voit pour de bon un chat qui fait la navette.
S’il va à droite, il pousse la chansonnette,
S’il va à gauche, il vous jette
Une historiette.
Mais il est savant, cet enfoiré,
Il a porté la chaîne d’or à la boutique pour étrangers,
Et, avec ce qu’on lui a donné,
Au magasin, tout seul, il est allé!
Une fois, pour son don du ciel
Il a voulu qu’on le paye:
Ça sent le roussi au pays des merveilles
Sur une grande échelle!
Mais un coup de sang il a eu un beau soir.
Et pour qu’avec le ciel il n’ait pas de déboires
Le chat dicte sur les Tatars
Un mémoire!
Calme-toi, calme-toi, mélancolie
Qui me serre le cœur!
C’est le prologue que voici.
Le conte viendra tout à l’heure!
Et l’ondine - qu’est-ce que vous voulez! -
N’a pas gardé longtemps sa pureté.
Un jour, elle s’est débrouillée
Pour accoucher.
Mais les trente-trois paysans
Ne veulent pas reconnaître leur enfant.
Il passera provisoirement
Pour le fils du régiment.
Une fois, un enchanteur,
Menteur, bavard et rieur,
Lui a dit en fin connaisseur
Des points faibles de nos sœurs:
Ondine, je comprends ce qui s’est passé,
Je vais te prendre avec ton bébé!
Et chez lui elle est allée
Comme chez un geôlier.
Calme-toi, calme-toi, mélancolie
Qui me serre le cœur!
C’est le prologue que voici.
Le conte viendra tout à l’heure!
Tchernomor à la barbe bleutée,
Du pays des merveilles voleur patenté,
Depuis belle lurette Lioudmila a barboté:
Oh, le petit futé!
Le coquin, il exploite avec habileté
Le don qu’il a de voler:
Une minute d’inattention, avec l’objet convoité
Il a filé!
Le tapis volant
Est au musée depuis plus d’un an.
Le peuple, à toute chose s’intéressant,
Vient défiler devant!
Le vieux birbe sans se cacher
Vole les bonnes femmes - elles ont beau pleurnicher -
Oh, s’il pouvait être sans tarder
De paralysie frappé!
Calme-toi, calme-toi, mélancolie
Qui me serre le cœur!
C’est le prologue que voici.
Le conte viendra tout à l’heure!
- l faut savoir se faire respecter -
Un jour, le sylvain, n’ayant pas bu assez,
Battit sa moitié
Et se mit à vociférer:
- Donne-moi un rouble, ou bien tu vas voir!
Aux besoins du ménage qui s’occupe de pourvoir?
Et si tu ne veux pas, je vendrai pour boire
L’ébauchoir!
- De baies n’ai-je pas assez ramassé? -
Le sylvain recommençait à radoter.
- Et d’écorce combien de paniers
N’ai-je pas rapportés?
J’ai trimé au loin sans répit
Pour ton plaisir et toi, sans pi -
tié pour un rouble tu glapis.
Tu n’es qu’une vieille chipie!
Calme-toi, calme-toi, mélancolie
Qui me serre le cœur!
C’est le prologue que voici.
Le conte viendra tout à l’heure!
Et de bêtes inconnues,
De gibier de toute espèce, il n’y a plus:
Pour leur courir sus
Des chasseurs sont venus!
Ainsi, ce n’est pas chose secrète:
Le pays des merveilles a cessé d’être!
Tout ce qu’a écrit le poète,
Ce sont des sornettes!
Calme-toi, calme-toi, mélancolie,
Ne n’importune plus!
Si c’était le prologue jusqu’ici,
Alors, tout est fichu!
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