Lorsque les eaux du grand déluge rentrèrent,
Un jour, dans leurs rivages familiers,
L’Amour sortit doucement sur la grande terre,
Né de l’écume des vagues apaisées,
Et se fondit sans trace dans l’atmosphère
Pour revenir, toujours inespéré.
Il reste encore des fous hors de routine
Qui boivent ce mélange à pleine poitrine.
Ils pensent respirer comme d’ordinaire,
Sans désirer éloge ni punition,
Mais ils se mettent soudain à l’unisson
Avec la même haleine irrégulière.
Déroulons aux amoureux les plaines,
Puissent-ils s’aimer à l’infini.
Je respire donc ça veut dire que j’aime,
J’aime donc ça veut dire que je vis.
Et il y aura beaucoup de longues errances, -
Ô le royaume de l’Amour est grand! -
Il imposera toujours plus d’exigences
À ses fidèles chevaliers servants,
Leur demandant ruptures et distances,
Et le plus haut degré de renoncement.
Mais ils ne reviendront pas en arrière,
Ces fous veulent bien payer le prix très cher,
Et, pourquoi pas, risquer leur vie elle-même
Pour protéger de tout danger possible
Le fil magique, le fil imperceptible
Qu’ils ont tendu entre eux, ces coeurs qui s’aiment.
Le vent frais enivre les choisis,
Il les ressuscite ou fait tomber,
Parce qu’on ne respire ni ne vit,
Si l’on n’a jamais, jamais aimé.
Mais, c’est bien vrai, jamais ils ne répondent,
Les morts d’amour, on a beau les appeler.
Bruits er verbiage leur font payer un compte,
Et, au-dedans, il y a du sang versé.
Mettons alors, nous autres en ce bas monde,
Des cierges pour ces grands amours brisés.
Leurs âmes flâneront parmi les fleurs,
Leurs voix se confondront avec douceur.
Là-haut, dans une éternité sereine,
Les amoureux enfin se retrouveront
Sur les passages fragiles et sur les ponts,
Aux carrefours étroits des mondes suprêmes.
Déroulons aux amoureux les plaines,
Puissent-ils s’aimer à l’infini.
Je respire donc ça veut dire que j’aime,
J’aime donc ça veut dire que je vis.
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