Notre corsaire écume les mers depuis quatre ans Allant de tempête en tempête, de siège en siège On a appris à refaire les gréements Et à boucher, d’nos propres corps, les brèches L’escadre ennemie est à nos trousses, la mer est d’huile... Et la bataille s’annonce meurtrière Mais notre capitaine a dit, tranquille: «On peut le faire! On peut le faire!» La frégate amiral vire et la fumée noire, Sur son bâbord, augure pour nous le pire On tire une salve - à l’œil et au hasard! - Puissent la fortune et la chance nous sourire! On sait ce que c’est que de frôler la mort Mais l’eau remplit la cale, l’étau s’resserre... Qu’importe! Et l’capitaine répète encore: «On peut le faire! On peut le faire!» Des centaines de longues-vues nous scrutant sans façon Nous voient méchants comme tout et fous d’colère Mais jamais, jamais ils ne nous verront En chaînes, rivés aux rames de leurs galères Ils sont plus forts, ça sent déjà l’carnage Le Ciel refuse d’entendre nos prières Mais l’capitaine ordonne: À l’abordage! «On peut le faire! On peut le faire!» Si t’es un homme, si tu veux t’en sortir Apprête-toi pour le corps-à-corps, et vite! Les rats, ils n’ont qu’à quitter le navire Ils ne craignent pas la honte de la fuite Et, comme des hébétés, les rats sautaient à l’eau Et le gouffre marin devenait leur cimetière Nous, on repoussait l’ennemi, assaut après assaut, «On peut le faire! On peut le faire!» Pour pas finir proie des poissons, nous, tout en sang, On s’est battus, tenaces et pleins de hargne, Avant d’quitter notre vaisseau coulant Les dents serrées, les yeux brillant de larmes Non, ce n’est pas notre dernier combat Non, l’océan n’lâchera pas ses corsaires Bientôt, le large et nous, on s’retrouvera Comme dit le capitaine: «On peut le faire!»
© Marina Lushchenko. Traduction, 2023
© Matthieu Carmelah. Performance, 2023