Je t’aime maintenant Non plus secrètement mais ouvertement. Je brûle sous tes rayons ni "avant" ni "après". Éclatant de rire ou en sanglots, Mais j’aime maintenant, Je ne veux retourner dans le passé, je ne connais pas le futur. Le passé "j’ai aimé" Est la plus triste des tombes, - Toute ma tendresse me rogne les ailes et m’entrave, Bien que le poète des poètes ait dit: "Je vous aimais, l’amour encore, peut-être..." C’est ce qu’on dit de ce qui est rejeté et fané - Et il y a là-dedans de la pitié et de la condescendance, Comme on en a pour un roi destitué. Il y a là du regret pour le désir évanoui Où l’impétuosité est morte, Et comme une défiance envers "je t’aime". Je t’aime désormais Sans mesure et sans pertes, Mon siècle est maintenant - Je ne me couperai pas les veines! Durant, pendant, maintenant Je ne vis par le passé ni ne délire sur l’avenir. J’arriverai à gué, et à la nage Jusqu’à toi - on peut bien me décapiter! - Les fers aux pieds et avec des poids insupportables. Mais ne me pousse pas à la faute, Pour qu’après "je t’aime" je rajoute "-rai". Il y a de l’amertume dans ce futur, étrangement, Une signature contrefaite, un trou de ver Et un tunnel pour le repli, en réserve, Un poison incolore tout au fond du verre. Et comme une gifle pour l’authentique - Le doute c’est que "je t’aime" soit maintenant. Je fais un rêve français Avec une multitude de temps, Où le futur n’est pas comme ça et où le passé est autrement. Je suis cloué au pilori, Convoqué à la barrière de la langue. Ah, la différence de langue! Ce n’est pas une situation, c’est une débâcle. Mais c’est ensemble que nous trouverons l’issue. Je t’aime même aux temps imparfaits - Et au futur et au passé continus!..
© Elisabeth ?. Traduction, 2016