Le jour où, sørs du soutien de la terre, Nous partirons, pile à l’heure dite, Sur l’eau profonde, sur l’océan salé La mer commencera à nous bercer Comme la mère de mauvais sujets. Sous le choc des vagues nos visages en sueur Tailleront les flancs de nos vaisseaux Et patiemment les machines transformeront En mois les secondes qui s’égrènent sur mesure. La surface lisse de l’eau nous entoure, félicité! Sur des milles sans fin alentour, pas une âme Et les matelots ont grand peine après le tangage À trouver le sommeil dans le calme domestique. Nous avançons sans jours de fête, sans jour de congé En mer, même sans repos, nous avons notre lot d’ennuis; Nous oublions tous nos petites amies Qui nous attendent et que nous laissons tomber. Pourvu qu’elles nous pardonnent ce péché! Mensonge! Nous soupirons pour elle près de la poupe Et dans nos rêves nous répetons en secret leurs noms. Ici nous ne faisons pas la chasse au jupon, Nous ne cherchons pas le bonheur, mais un bon joint! La surface lisse de l’eau nous entoure, félicité! Ni mur ni palissade, tu peux brailler et danser! Et les matelots ont grand peine après le tangage À trouver le sommeil dans le calme du confort. Nous prenons la mer, dit-on, pour les primes! Étrange manière de se remplir les poches. C’est pour la mer que nous prenons la mer, Et même pour connaítre un jour unique Un jour à tout jamais inoubliable. Lorsque à la fin d’un autre printemps, différent, Nous abordons enfin droit au quai natal, Les portes marines du pays s’ouvrent Alors devant chacun de ses marins. La surface lisse de l’eau nous entoure, félicité! Ni mur ni palissade, tu peux brailler et danser! Et les matelots ont grand peine après le tangage À trouver le sommeil dans le calme du confort. Chaque fois nous prenons la mer, fiancés Avec la terre, promise fidèle entre toutes, Pour revenir exactement à l’heure fixée, Comme si là-bas nous n’étions pas bercés Par la mer, la mère de tous les mauvais sujets. Le phare là-haut a oublié son clin d’oeil, Il écarquille les yeux, hébété, ahuri, Il a vu le chalutier dressé sur ses hélices, En encastrer les tours sur la borne. Rester planté sur le quai, quelle félicité! Et se balancer sur la terre ferme jusqu’à l’extase! Nous qui revenons, jamais on ne nous habituera Après nos ouragans, à la paix tant attendue.
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1989