Voilà ton billet, voila ton wagon, Tout est au mieux: tu as seul la chance De voir un rêve au paradis en couleur, Trois siècles de cinéma ininterrompu. Tout est derrière, toutes les empreintes Prises, et sans la moindre contrebande, Te voilà stérile comme un chérubin; La seconde, linge fourni, pas terrible! Toutes les prédictions se réalisent, Le train part vers les cieux, bonne route! Et l’envie nous ronge, l’envie nous ronge De nous endormir et non de mourir. Un quai terrestre... Allons, ne geins pas, Et ne crie pas, il est sourd à nos cris; L’un de nous s’en est allé au paradis, Et, si Dieu existe, il le rencontrera. Il lui transmettra notre salut, S’il oublie, eh bien tant pis! Il nous est resté bien peu d’années, On se débrouillera, puis on mourra. Toutes les prédictions se réalisent, Le train part vers les cieux, bonne route! Et l’envie nous ronge, l’envie nous ronge De nous endormir et non de mourir. Dormir au paradis, ça n’est pas commun; Tu sais, on va en faire de belles ici, Et cogner et chanter: tiens je chante! D’autres aiment ou rêvent à aimer. Fils et fils de petit-fils, trois générations S’en vont au néant comme nous, les yeux ouverts. Que le Seigneur nous évite la guerre Pour ne pas rouler leurs descendants. Toutes les prédictions se réalisent, Le train part vers les cieux, bonne route! Et l’envie nous ronge, l’envie nous ronge De nous endormir et non de mourir. Tu t’en moques, même si tu geins, Sur ton lit tu planes pour l’éternité. Je ne paierai jornais un tel prix Même pour une bonne bibliothèque. Un gars va nous réveiller, nous précipiter Dans l’univers où régnaient guerres, puanteur, Cancer, mais où la grippe asiatique est vaincue; Alors, tu es heureux de ton sort, crétin? En attendant, la sonnerie retentit! Bon voyage! Prends garde à toi! Et si Dieu existe vraiment là-haut Transmets-lui bien mon salut.
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1989