J’ai porté mon malheur Sur la glace du printemps, Et la glace s’est brisée et mon âme déchirée, Il a coulé comme une pierre, Mais le malheur, si pesant pourtant S’est accroché aux rives aiguës. Et mon malheur depuis ce jour-là Me cherche par le monde, Potins et cancans galopent à ses côtés. Le saule dénudé savait Que j’avais fui la mort Et qu’avec les cailles je chantais encore. L’un d’entre eux l’a dit, A lui, à mon Seigneur, Ils m’ont simplement livrée par leurs ragots De passion il a perdu la tête, Il s’est lancé sur mes pas Entraînant à sa suite le malheur et la rumeur. Il m’a retrouvée, il m’a rattrapée, Il m’a étreinte, soulevée dans ses bras, Sur sa selle à ses côtés le malheur et la rumeur ont souri. Mais avec moi il n’a pu rester Qu’une tout petite journée. Et le malheur s’est établi pour l’éternité.
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1988