Mariouchka, dans la rivière ne t’es-tu pas jetée Pourquoi n’es-tu pas devenue muette à jamais? Quand ils ont pris comme soldat ton aimé, ton bien-aimé, Quand ton promis à l’armée s’en est allé? Je laverai ma chambre de mes larmes amères, Et je fermerai ma porte pour de longues années, Je me pencherai sur le lac comme un saule éploré Et comme en un miroir j’y découvrirai ta destinée. L’herbe tendre, l’herbe folle à la sève de menthe Sans toi se rompt sous le souffle de la brise, Ton lot de soldat, fils de la guerre, de la guerre, Le vent des balles éventre ta poitrine! Par les prés je foulerai le sentier égaré Et je tresserai pour moi la couronne des mariées, Ma natte de fiancée flotte jusqu’à mes pieds Et je la garderai, grisonnante, pour mon bien-aimé. On saisira mon anneau dans la coupe blanche, La ronde tourbillonnera gorgée de mélancolie! Ah que la prédiction devienne réalité, réalité Et qu’un jour de printemps revienne mon promis! Chante ton retour avec ta gaieté de jadis, De ta voix douce et lisse console moi, Une vie de fiancée n’est que remous d’abîme, d’abîme, Ta Mariouchka t’attend, dépêche toi!
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1988