Je ne suis plus là, j’ai lâché la Russie! Mes petites nanas sont toutes en pleurs. Je sème désormais mes graines de tournesol Sur les Champs-Elysées d’ailleurs. Dans le tramway à Presnia un quidam bave: «Plus là ce type, enfin il s’est tiré! Qu’il nous décrive Versailles et son palais Dans ses chansons pour étrangers». Dans mon dos on échange les ragots: «Ce n’est pas lui, c’est un autre gars qui est parti. Pas lui vraiment?» Ça joue des coudes Et ça s’installe sur les genoux dans un taxi. Un vieux copain de la guerre civile, Un ancien voisin du camp de Magadan, Dis que je lui écris: «Vania, mon frère, Je suis à Paris, viens, rejoins-moi!» J’ai déjà imploré mon retour, J’ai déjà rampé, harcelé, supplié... Fadaises! Je ne puis revenir sans doute Puisque jamais je ne m’en suis allé! A chaque crédule son paquet-cadeau: Ça doit bien finir, comme au cinéma. Embarque avec toi l’Arc de Triomphe! Fonce en piqué sur les usines Renault! Je me moque et je meurs de rire. Comment peut-on croire à ce délire? Ne vous tracassez pas: je ne suis pas parti! N’espérez rien: je ne partirai pas!
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1989