Le miroir enfumé a perdu son reflet. Face à leur image les visages s’effacent, Les couples enfin arrêtent leur valse lente. Je chanterai pourtant jusqu’au dernier instant. J’ai joué déjà toutes les notes nécessaires, Le vin a flambé, puis s’est éteint dans mon verre. Mon envie de parler s’est bien vite envolée, Il ne me reste qu’à vider ma coupe muette. La moitié de l’année le soleil disparaît, Sous une écorce gelée se figent les âmes. J’attends en vain le navire brise-glace. Et ma mémoire impuissante s’est étiolée. J’ai joué déjà toutes les notes nécessaires, Le vin a flambé, puis s’est éteint dans mon verre. Mon envie de parler s’est bien vite envolée, Il ne me reste qu’à vider ma coupe muette. L’orchestre fatigué joue un air embrouillé, Le cercle sur moi se referme et m’enserre; Je dois m’en aller tranquille et souriante, Je chanterai pourtant jusqu’au dernier instant. J’ai joué déjà toutes les notes nécessaires, Le vin a flambé, puis s’est éteint dans mon verre. Sous le rictus indifférent des miroirs blafards, Et peut-être ensuite à la briser en miettes?
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1989