Je suis sorti d’une affaire extraordinaire! Sans rien emporter, pur comme l’enfant à sa naissance Je n’étais guère pressé, mais le temps était venu, Et, du bleu des monts, m’apportait d’autres affaires. Nous apprenons beaucoup dans les livres, Mais les vérités passent de bouche en bouche: Nul n’est prophète dans son pays Mais les voisins ne font pas mieux! Je n’ai pas vendu mon ami, vainqueur solitaire, J’en ai perdu un autre, mais tout s’éclaircira! J’ai quitté l’affaire, sans laisser sang ni sueur, Et sans moi elle a poursuivi son chemin tranquille! Nul n’est irremplaçable et nous chanterons Allez au diable pour le repos des défunts! - Nul n’est prophète dans son pays Mais les voisins ne font pas mieux! Us m’ont déchiqueté, mais par bonheur, les hommes De mon choix ont reçu la part du lion. Sur le parquet glissant mes talons dérapent, Je grimpe l’escalier et me retrouve au grenier Les prophètes évanouis n’existent plus, Mahomet et Zaratoustra ont à jamais disparu - Nul n’est prophète dans son pays Mais les voisins ne font pas mieux! De l’office montent, indifférents, les caquets: - Il est parti à temps! L’affaire se porte mieux! Et j’arrache aux portraits leurs toiles d’araignées, Je rejoins en courant les chevaux enfin sellés. Sa Face m’est soudain apparue en plein visage, Et II m’a dit dans sa clarté mélancolique: - Nul n’est prophète dans son pays, Mais les voisins ne font pas mieux! Je grimpe en selle, mon corps devient cheval, Le cheval tombe sous moi, et je mords les rênes... Je suis sorti de cette affaire extraordinaire! Du bleu des monts montent d’autres affaires. Je bondis, les épis crissent sous le cheval, Et sous leur crissement j’entends un cri1 - Nul n’est prophète dans son pays, Mais les voisins ne font pas mieux!
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1989