C’est ma faute, je verse des larmes,
et je gémis,
Je suis tombé dans une ornière profonde,
creusée par autrui.
Je me fixais mes propres buts
à mon propre choix.
Et je n’arrive pas à me dégager
de cette ornière
Aux bords abrupts
Où glissent mes doigts.
Je maudis ceux qui l’ont creusée,
Ma patience va bientôt craquer,
Et je décline comme un mauvais élève
De l’ornière, dans l’ornière, avec l’ornière.
Pourquoi suis-je à ce point incorrigible
et si effronté?
Les conditions de vie sont en gros normales
dans cette fondrière!
On est à l’abri des coups et des accrochages,
sécurité entière!
Et si tu veux rouler tout droit,
libre à toi
Et dans cette ornière confortable,
pain et vin à volonté
J’ai bien vite saisi:
je n’étais pas le seul enlisé,
Rester là, roue dans roue,
et j’arriverai là où ils vont tous.
Un excité s’est emballé:
laisse-moi sortir!
Et l’énervé discute avec l’ornière
par sottise.
Toute la chaleur de son âme a brûlé
dans la querelle.
Ses soupapes et ses culasses
ont lâché,
Il a tant patiné sur les bords,
Que l’ornière s’est élargie encore.
Et soudain ses traces s’évanouissent,
On traîne dans un fossé ce toqué
Qui empêche les suivants de se tramer
Dans l’ornière que les autres ont creusée.
Mais le malheur me frappe aussi,
mon démarreur mollit,
Ce voyage devient un cauchemar
brinquebalant
Il faut descendre, pousser,
je reste bras ballants.
J’attends une aide qui ne vient pas
dans l’ornière d’autrui.
Je cracherais l’argile et la rouille
Pour régler le compte de cette ornière
Étrangère, et son sillon défoncé
Interdit à mes suivants toute espérance.
Une sueur glacée me ronge
jusqu’aux os,
Et sur une planche j’avance
à petits pas.
Les ruisseaux du printemps ont raboté
les bords,
Et de l’ornière enfin je sors,
sauvé!
Mes pneus crachent la boue
dans l’ornière d’autrui.
Mes suivants! Imitez-moi!
Je vous le dis! Ne me suivez pas!
Cette ornière n’est qu’à moi!
Votre ornière, creusez-la!
|