Que verrai-je désormais? Quel vent respirer? L’air épais avant l’orage colle à ma peau. Que chanterai-je aujourd’hui? Que vais-je entendre? Sortis des contes les oiseaux prophétiques chantent. L’oiseau Sirine me sourit de joie, Réjouit mon cœur et me fait sortir du bois, En face Alkonost l’excentrique Triste, s’ennuie et me ronge l’âme. Sept cordes intimes Ont tour à tour résonné. C’est l’oiseau Gamaion Le porteur de l’espérance. Dans le ciel bleu cloué par les cloches, Un bourdon de cuivre, un bourdon d’airain Passe de la colère à la joie et recommence. La Russie recouvre ses coupoles d’or pur Pour attirer l’attention du Seigneur Je contemple la grande contrée féerique Et je vois en elle une énigme éternelle, Mon pays salé, amer, aigre et doux, Source bleue pareille au pain de seigle. Mâchonnant la boue grasse et rouillée, Les chevaux s’enfoncent jusqu’à l’étrier Et m’entraînent de leur énergie assoupie Harassée, toute gonflée de sommeil. Sept lunes cossues Se dressent sur mon chemin. C’est l’oiseau Gamaion Le porteur de l’espérance. Mon âme battue et rouée de coups, Mon âme usée par les épreuves, Mon âme râpée jusqu’au sang, Je la rapetasserai de pièces d’or Pour attirer l’attention du Seigneur.
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1989