Mon homme en noir en costume gris,
Tour à tour ministre, intendant, officier,
Clown malfaisant aux masques multiples,
Sans prévenir, cognait à couper le souffle.
Sourire aux lèvres, ils me brisaient les ailes,
Mon râle parfois ressemblait à un cri;
Je restais muet de souffrance et d’impuissance
A chuchoter seulement merci de me laisser en vie!
Superstitieux, je cherchais des présages
Patience! Ces broutilles passeront!
Je m’infiltrais même dans les bureaux
Et je proclamais: Non! Plus jamais!
Autour de moi des braillards vociféraient.
Il va à Paris comme nous à Tbilissi,
Il est temps de le chasser de Russie
Depuis longtemps! Quels indolents, nos dirigeants!
Ils potinaient sur mon salaire et ma datcha.
Je devais le fabriquer la nuit mon argent!
Mais prenez donc tout! Je vous donne même
Gratis les trois pièces de mon appartement!
Mes amis, poètes fort renommés,
Me tapotaient l’épaule, l’air protecteur,
En m’abreuvant de conseils judicieux:
«Ne fais pas rimer: je crie et je jaillis!»
La veine de la patience en moi s’est brisée,
Avec la mort je suis à tu et à toi,
Depuis toujours elle tournait autour de moi
Et ne craignait que ma voix éraillée!
Je ne désire pas échapper au jugement.
S’ils me convoquent, je répondrai à leurs questions.
A la seconde près j’ai mesuré toute mon existence
Et cahin-caha j’ai traîné mon fardeau!
Je sais distinguer le truqué du sacré;
Je l’ai deviné depuis une éternité;
Devant moi je vois s’ouvrir une seule voie;
Par chance on ne m’a pas donné le choix!
|