Camarades savantissimes, thésards bardés de diplômes, Les x vous font perdre le nord, les zéros vous indisposent. Vous êtes là à décomposer les molécules en atomes, En oubliant que, dans les champs, la patate se décompose. Vous extrayez des onguents de tout ce qui est avarié, Et, au moins dix fois par jour, tellement de racines carrées. Là-bas, vous vous amusez, comme des fous, vous rigolez! Pendant que se putréfie la pomme de terre sur pied! Jusqu’aux Quatre-Routes, prenez l’autocar Et puis au trot, sans rouspéter! Pour la patate, on a des égards, Quand, sur du sel, il faut la manger. Vous pouvez vous rendre célèbres dans presque toute l’Europe Si, avec des bêches, vous montrez ici votre amour de la patrie, Plutôt que, sur les tumeurs, de vous jeter en cohorte Ou de taillader les chiens, que c’est une vraie boucherie! Camarades savantissimes, les bagarres au couteau, terminé! Vos hydrites, vos anhydrites, abandonnez-les là, Montez dans la bétaillère. Chez nous, à Tambov, allez, venez, Ils attendront bien une petite journée, tous vos rayons gamma! Jusqu’à Tambov, prenez l’autocar Et puis, au trot, sans rouspéter! Pour la patate, on a des égards, Quand, sur du sel, il faut la manger. Chez nous, vous pouvez venir, avec famille et amis! On s’installera gentiment et vous direz après: «Que le Diable emporte les gènes, les chromosomes aussi, On a rudement bien travaillé, on va bien se reposer!» Camarades savantissimes, vous tous, Einstein idolâtrés, Newton inestimables, qu’on aime jusqu’aux sanglots! Nos pauvres dépouilles mortelles à la terre vont retourner. La terre, pour elle, c’est égal: apatite ou terreau. Jusqu’aux Quatre-Routes, prenez l’autocar Et puis au trot, sans rouspéter! Pour la patate, on a des égards, Quand, sur du sel, il faut la manger. Allez, venez donc, mes chers, en colonnes ou en escadrons, Bien que vous soyez chimistes et que vous n’êtes pas des saints, Car vous aller tous crever sur vos synchrophazotrons, On a ici le grand air, c’est ventilé dans le coin. Camarades savantissimes, pas de doute, ne soyez pas revêches. Si quelque chose ne va pas, si ce n’est pas l’effet qu’il faut On se pointera en cinq sec avec nos fourches, avec nos bêches, On cogitera une petite journée, on réparera le défaut! Jusqu’à Tambov, prenez l’autocar Et puis, au trot, sans rouspéter! Pour la patate, on a des égards, Quand, sur du sel, il faut la manger.
               
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003