Je suis tombé rejetant ma houlette, Dans la neigre, étendu à la renverse. Puis, je me suis assis dans le cercueil à roulettes, Je méprise la circuIation pédestre. Je ne voulais pas jeter de l’huile sur le feu, Avec mon destin, ce n’est pas l’épreuve de force, Je pensais juste allonger un petit peu Mon existence par ce moyen veloce. Auparavant, de mes chaussures de sport, Je piétinais les sentiers, les planchers. Invulnérable, je l’étais à l’opprobre, J’étais inaccessible aux quolibets. Je suis passé dans un autre groupe spécifique, Je n’entrerai plus dans la danse, dans la file, Je roule et je vois, les regards obliques Des autres sur moi et mon automobile. Plus de relations, plus de poignées de mains, Ma société s’est détournée de moi, L’inimitié doucereuse a pris fin, L’hostilité ouverte commença. Je fonças dans ce monde qui nous est étranger, Rectifiant les régles de circulation, J’ai pu serrer la main des policiers Qui m’ont laissé deux belles contraventions. Dans la bagarre, je suis entré crescendo. Je voyais le matin les attaques de la nuit, Un nœud de marin à l’antenne de radio Comme pour me dire «C’est ça qui t’est promis!» Se faüfilan parmi les potagers, Ils poignardaient mes pneus à coups d’alène, À coups de roubles, je les ai repoussés, Et je tins bon, aguerri dans l’arène. Les nuits sans lune, plus d’une fois, c’était l’usage, En embuscade, l’ennemi je l’attendais, Mais il avait un service de contre-espionnage Et, dans mes pièges, jamais il ne tombait. Il enlevèrent sans bruit comme un otage Le pont avant et disparurent au loin. Le pont avant, autant dire pas de dommage, Oui, mais sans lui, l’autre pont ne sert à rien! J’ai pu trouver roues et ponts et volant Grâce aux pots-de vin et pas pour mes beaux yeux. J’ai compris qu’on ne peut abattre un géant. En arrière toute! Tant que la voiture le peut! Vers mes piétons imputrescibles, je reviens! Fais marche arrière, sésame, ouvre-toi bien! Vers le métro, les passages souterrains! Arrière, à gauche et debout sur le frein! Le renaîtrai des cendres et comme avant, Crachant coussier, j’aurai le sourire facile. Je ve sarai plus haï par tous les gens Parce que j’ai une automobile!
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003