Je vous assure que c’est
La stricte vérité
Moi dès potron-minet
J’ai été fusillé.
Je m’étais retrouvé là
Comment et par quelles voies’
Je le sais très bien, mais ça,
En parler, moi, je ne préféré pas.
Mon sergent-chef m’avait presque sauvé,
Oui, mais quelqu’un voulait que je sois fusillé.
Le bataillon obéit sans broncher,
Mais il y en a un, un qui n’a pas tiré.
Mon destin, en effet,
A toujours été truqué:
J’ai caché avoir fait
Un jour un prisonnier.
Mais Souétine, un type très
Bizarre, infatigable,
A pris des notes et fait
Un apport admirable.
Il a sorti hors de l’obscurité
Un beau dossier rellé et bien ficelé.
Il n’y avait personne qui eût pu s’opposer.
Si. Il y en a un, celui qui n’a pas tiré.
Le main est retombée
Et l’ordre retentit: «Feu!»
La salve m’a donné
Qutis pur d’autres lieux.
J’entends: «Il vit, cette engeance-là.
Hosto immédiatement,
Le poteau deux fois, ce n’est pas
Permis par le règlement».
Le medicin-major en était stupéfié.
Et, extrayant les balles, ne cessait de siffler
Dans mon délire, je n’ai fait que discuter
Avec celui qui n’avait pas tiré.
Je ne me suis pas soigné
Mais j’ai léché mes plaies.
L’hôpital au complet
Me montrait du respect.
Tout le sexe faible était
Amoureux de moi, c’est sur,
«Eh, moitié de fusillé,
C’est l’heure de la piqûre!»
Mon régiment se couvrait de gloire en Crimée
Et j’envoyais du glucose par paquets
Pour adoucir la lutte dans les tranchées
De celui-là qui n’avait pas tiré.
Je buvais du thé et parfois
Avec de l’alcool fort.
Je ne suis pas mort et je dois
Aller rejoindre les renforts,
Dans ma propre unité.
Le capitaine m’a confié:
«Bats-toi. Je ne su‘s pas à blâmer
Qui les gars t’aient loupé».
J’étais joyeux mais soudain j’ai hurlé
Comme une bête et j’ai maudit ma destinée.
Un Alemand finit de me fusiller
En tuant celui qui n’avait pas tiré.
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