Je vous assure que c’est La stricte vérité Moi dès potron-minet J’ai été fusillé. Je m’étais retrouvé là Comment et par quelles voies’ Je le sais très bien, mais ça, En parler, moi, je ne préféré pas. Mon sergent-chef m’avait presque sauvé, Oui, mais quelqu’un voulait que je sois fusillé. Le bataillon obéit sans broncher, Mais il y en a un, un qui n’a pas tiré. Mon destin, en effet, A toujours été truqué: J’ai caché avoir fait Un jour un prisonnier. Mais Souétine, un type très Bizarre, infatigable, A pris des notes et fait Un apport admirable. Il a sorti hors de l’obscurité Un beau dossier rellé et bien ficelé. Il n’y avait personne qui eût pu s’opposer. Si. Il y en a un, celui qui n’a pas tiré. Le main est retombée Et l’ordre retentit: «Feu!» La salve m’a donné Qutis pur d’autres lieux. J’entends: «Il vit, cette engeance-là. Hosto immédiatement, Le poteau deux fois, ce n’est pas Permis par le règlement». Le medicin-major en était stupéfié. Et, extrayant les balles, ne cessait de siffler Dans mon délire, je n’ai fait que discuter Avec celui qui n’avait pas tiré. Je ne me suis pas soigné Mais j’ai léché mes plaies. L’hôpital au complet Me montrait du respect. Tout le sexe faible était Amoureux de moi, c’est sur, «Eh, moitié de fusillé, C’est l’heure de la piqûre!» Mon régiment se couvrait de gloire en Crimée Et j’envoyais du glucose par paquets Pour adoucir la lutte dans les tranchées De celui-là qui n’avait pas tiré. Je buvais du thé et parfois Avec de l’alcool fort. Je ne suis pas mort et je dois Aller rejoindre les renforts, Dans ma propre unité. Le capitaine m’a confié: «Bats-toi. Je ne su‘s pas à blâmer Qui les gars t’aient loupé». J’étais joyeux mais soudain j’ai hurlé Comme une bête et j’ai maudit ma destinée. Un Alemand finit de me fusiller En tuant celui qui n’avait pas tiré.
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003