Quand, dans les limites de leur lit, sont revenus Tous les flots du Déluge Universel, Hors de l’écume abandonnée par la crue, L’amour vint sans bruit sur la rive nouvelle, S’évapora avant le temps, sans retenue, Mais, ces temps, il y en avait une kyrielle. Il reste encore des excentriques hors canon Qui inhalent ce mélange à pleins poumons. Us n’en attendent ni blâme ni décoration, Pensant respirer comme ça tout bonnement. Soudain, ils tombent en eurythmie, haletant Du même souffle irrégulier, à l’unisson. Je ferai un nid pour ceux qui s’aiment: Qu’il chantent à minuit, à midi! «Je respire» signifie que j’aime! Et «j’aime» signifie que je vis! Que de traversées à venir, de cheminements, Le pays de l’amour est une vaste contrée. Pour mettre à l’épreuve ses chevaliers servants, L’amour exigera avec plus de fermeté, Demandera rupture et éloignement, Les privera de repos, de sommeil et de paix. Jamais ces insensés ne feront marche arrière! Ils sont prêts, là à payer le prix cher, N’importe quel prix, même à risquer leur vie, Pour que ne se rompe pas, pour le conserver, Le fil magique, invisible, inouï Que les amants ont entre eux déroulé. Pendant longtemps, semblable au voilier Sur la mer, le coeur devra flotter Avant de savoir combien «aimer» C’est «respirer» ou bien «exister». Beaucoup ceux d’amour se sont enivrés, Ne répondront pas à l’appel de tes cris. Propos et billevesées leur ont fait payer Une note dont le sang est le prix, En nous plaçons des chandelles au chevet De ceux qui sont morts d’un amour inouï. Parmi les fleurs, leurs âmes vont errer, vagabondes, Et leurs voix à l’unisson se fondre Pour toujours respirer d’une même respiration, Se rencontrer, en soupirant d’amour, Sur les fragiles passerelles, les carrefours, À la croisée des chemins de la création. Le frais zéphyr enivre les élus, Les ressuscite, leur fait perdre pied, Car il n’a ni respiré, ni vécu, Celui qui n'a jamais aimé.
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003